La salle dite de “Justice” du château de la Vigne est, en réalité, un studiolo.
Après une campagne de restauration qui s’est déroulée sur deux ans, Anne et Bruno du Fayet de la Tour ont découvert un véritable trésor, qui lève le voile sur l’histoire du château de La Vigne.
Reproduction de l’article d’Yveline David paru dans LA MONTAGNE, le 8 JUIN 2015
« Quand mes parents ont acheté La Vigne, en 1950, la pièce haute, dans la tour, était appelée Salle de justice, se souvient Bruno de la Tour. On en est restés là. » Une sorte de petit oratoire, de 16m² au sol et dont une grande partie des murs étaient couverte de fresques. « On n’y entrait jamais car elle servait de refuge aux chauve-souris, ironise le propriétaire. Pourtant, déjà, je m’interrogeais sur la signification de ces peintures. »
Des explications qu’il a aujourd’hui obtenues et des révélations qui vont bien au-delà de ce que le couple avait pu imaginer. Il y a longtemps que les châtelains voulaient faire restaurer les fresques mais le coût était, à tout le moins, dissuasif. En 2012, l’opportunité se présente enfin quand, le château de La Vigne reçoit une importante dotation de la Maison de la chasse et de la nature. La création d’une association permet de boucler le budget et le couple fait appel à Jean-Yves Bourgain, fresquiste expert des peintures murales et spécialisé dans l’art italien. « Il a tout de suite bservé
qu’il ne s’agissait certainement pas d’une salle de justice mais bien d’un studiolo, de facture Renaissance italienne », précise Anne de la Tour. Son époux explique : « Le studiolo était une petite pièce qui ne possédait qu’une fenêtre. Elle était aménagée à la pointe d’une tour, peu facile d’accès et protégée par de puissantes portes. » Ce qui est précisément le cas, à La Vigne. Toujours richement décoré, le studiolo était l’endroit isolé dans lequel le seigneur pouvait se retirer pour réfléchir ou étudier. L’histoire connue de La Vigne va bien dans ce sens. Au début du XVIe siècle, François de Scorailles suit François 1er pendant ses campagnes de guerre, en Italie. Il y fait fortune et revient « probablement ébloui par les décors magnifiques qu’il a découverts dans les maisons italiennes », suppose Bruno de La Tour. On peut dès lors penser que, comme à Branzac, des artistes l’aient suivi pour redécorer les nobles, mais austères, castels auvergnats.
« La conversion de Saint-Hubert est proprement éblouissante »
A la lecture des fresques, Jean-Yves Bourgain a dévoilé un pan de l’histoire de François, aïeul du propriétaire. La voûte de la salle, en effet, met en scène Pyrame et Thisbé, personnages des Métamorphoses d’Ovide. « On peut raisonnablement supposer que le visage de Pyrame est celui de François de Scorailles », se réjouit Bruno de La Tour. La femme qui lui fait face, en revanche, ne semble pas être son épouse, Anne de Montal, mais bien la maîtresse du seigneur, Agneste Charles, enceinte du futur Guillaume, légitimé par le pape Paul IV en 1556. Les murs du studiolo, dont les
fresques étaient terriblement endommagées ont, sous les outils de JeanYves Bourgain et de son associée, Novella Cuaz, révélé des scènes de chasse d’une beauté remarquable. « La conversion de SaintHubert est proprement éblouissante », admire Anne de La Tour. Consciencieusement dégagées et reprises, les peintures restituent un élément magistral, car unique : la silhouette du château,
tel qu’il était au XVIe siècle. « Aucune iconographie de La Vigne n’existait, antér ieure à 1880. », ajoute le châtelain. Même s’ils ont encore un peu de mal à considérer la petite pièce comme un studiolo, et non comme une salle de justice, le couple mesure l’importance de la découverte. « Jusqu’à ce jour, un seul studiolo était référencé en France, au château du Lude, dans la Sarthe, souligne Anne de La Tour. En posséder un, formellement identifié par des spécialistes de l’histoire de l’art, est une grande fierté pour nous et une plus-value incontestable pour La Vigne. »